« L’intelligence peut être un poison quand elle est mise uniquement au service du profit immédiat. Quand elle est utilisée pour saccager notre environnement. Quand elle ne comprend pas la nécessité de s’intégrer harmonieusement dans la nature au risque de s’éliminer elle-même. Quand elle n’est pas assez intelligente ! ». C’est par ces mots qu’Hubert Reeves, le célèbre astrophysicien franco-canadien, répond à la question qu’il pose lui-même dans son récent et passionnant livre « Le banc du temps qui passe » dont je recommande vivement la lecture.
Cette réflexion ne peut pas, ne doit pas nous laisser insensibles. Telle une mise en garde, elle nous incite à réfléchir à la portée de nos actes, aujourd’hui plus que jamais. Dans ce contexte, évoquer la question du leadership est tout naturel car les leaders exercent une influence évidente sur nos vies au quotidien et de fait sur l’avenir. Or chacun d’entre nous possède, à tout instant, la possibilité de révéler et d’exercer son propre leadership pour changer le cours des choses. Alors autant le faire pleinement et avec intelligence !
J’aimerais partager quelques pistes de réflexion avec vous à ce sujet :
L’intelligence devient dangereuse si elle ne s’accompagne pas de sagesse
C’est d’abord dans sa formidable capacité d’adaptation et d’apprentissage que l’être humain a le plus exprimé l’immense portée de son intelligence depuis l’arrivée des premiers hominidés il y a environ 3 millions d’années. L’homme s’est longtemps adapté en harmonie avec la nature, jusqu’à ce que les technologies qu’il a créées lui donnent peu à peu une telle puissance (à la hauteur de son ego !) qu’il finit par ne plus en maîtriser les dérives et les dangers pour l’état de la planète comme pour la propre survie de l’humanité.
Cela me laisse tristement songeur de constater que nous sommes capables de nous autodétruire, d’aller jusqu’à cette extrémité folle dans un mouvement collectif incontrôlé… A moins qu’une alliance du cœur et de la raison, de la sensibilité et du bon sens nous donne enfin les clés pour inverser la tendance dans un sursaut salutaire !
Leadership et rapport à la nature
Une chose paraît certaine, la nature dont nous faisons partie sera toujours plus intelligente que nous en finale… surtout si nous croyons pouvoir nous en affranchir ! Nous ne devrions donc pas l’oublier.
Revisiter notre rapport à la nature dans un monde dominé par le numérique suppose une prise de recul, une posture d’humilité et un sentiment de connexion au vivant.
Faire vivre une entreprise, une équipe, une association, un projet ou quoi que ce soit est un acte vivant, du sang circule dans les corps et de nombreuses connexions énergétiques se font pour faire émerger la créativité, générer de la valeur. Lorsque l’on parle des managers comme étant des animateurs, il importe de se rappeler qu’il n’y a pas d’animation sans vie. On devrait peut-être creuser davantage l’idée du management vivant…
Manager est un métier de passion, d’énergie, d’enthousiasme et il en faut pour faire face aux défis du quotidien. Le carburant essentiel en est le sens, alors pourquoi dépensons-nous toute cette énergie, faisons-nous tous ces efforts si en finale c’est pour détruire au lieu de construire ? Il y a là des questions à se poser. Des questions auxquelles il n’est pas aisé de répondre car nous sommes soumis aux habitudes ancrées et aux lois de l’interdépendance, mais se les poser est un premier pas qui maintient notre conscience en éveil et peut nous aider à reconsidérer certaines décisions ou orientations.
Conduire une entreprise comme on conduit sa vie
Une entreprise, c’est un espace de création d’offre de produits, de services pour répondre à des besoins, mais c’est surtout un lieu de vie, d’échange, de créativité, de projets, de valeurs, de partage de richesses, où s’exercent des ambitions individuelles et collectives de différentes natures. Force est de constater qu’elle peut être le meilleur comme le pire des endroits à vivre en fonction de l’énergie qui y circule à travers les personnes, les idées, les matières, les ambitions aussi. Vers quoi voulons-nous tendre ?
Nous devenons ce que nous créons au même titre que ce que nous engendrons est l’émanation d’une partie de nous. Nous avons donc tous une grande responsabilité à exercer, des choix à faire sans jamais invoquer la fatalité ni la facilité. Nous travaillons rarement dans telle entreprise par hasard et lorsque nous nous y plaisons, il y a des raisons à cela. Il y a aussi des enseignements à tirer lorsque nous ne nous y plaisons pas. Notre intelligence doit nous permettre de comprendre ces phénomènes et c’est notre détermination à améliorer notre situation et nos ressentis profonds qui doit primer, quel que soit le temps que cela prendra. C’est un vrai travail sur soi. Autrement dit, il importe pour nous et ceux qui nous suivront d’être attentifs à ce à quoi on contribue, comment on y contribue, et d’entretenir notre liberté d’expression et d’action. Nous sommes et resterons des co-créateurs.
Ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui : actualisons notre logiciel de sagesse et « devenons » des êtres humains !
Les défis d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, et ils sont tels qu’ils nous interrogent opportunément sur la véritable nature de notre humanité. L’observation des comportements nous amène à comprendre qu’être un être humain ne se décrète pas mais s’apprend à travers un cheminement sensible (comprenez « du sensible »). Peut-être même cela se mérite-t-il ! L’humanité est un cadeau de l’évolution et doit se vivre comme un honneur, cette conscience dont nous sommes pourvus doit être utilisée à bon escient dans une chaîne de connaissance et de sagesse dont nous sommes supposément le maillon le plus évolué…
Puisque nous sommes dotés d’intelligence, apprenons à nous en servir !
A chaque fois que nous assénons des « vérités » purement idéologiques, dogmatiques, enfermés dans un système de croyances organisé, conditionné, nous n’exerçons pas notre intelligence. A chaque fois que nous remettons notre vie à d’autres personnes qu’à nous-même, bercés par l’illusion, nous n’exerçons pas notre intelligence. A chaque fois que nous divisons au lieu d’unifier, que nous semons la discorde, le doute, la peur (autant de choses que nous portons alors en nous !) au lieu de l’harmonie, nous n’exerçons pas notre intelligence. A chaque fois que nous « ramenons la couverture à nous », n’écoutons pas, prenons ce qui ne nous revient pas, détruisons sans chercher à construire, jugeons sans connaître, nous n’exerçons pas notre intelligence. Les exemples sont nombreux… Mais quelles qu’aient pu être nos erreurs jusqu’alors, et nous en commettons tous chaque jour, il est encore temps de comprendre et de se transformer pour inverser le cours des choses, dans une direction infiniment plus épanouissante pour soi-même et pour tous. Il importe d’en saisir la portée universelle, de le vouloir, de le désirer, de le mettre en œuvre. Cette intelligence en action permet de sortir de la souffrance, de se reconnecter aux autres, au vivant et de retrouver espoir en l’avenir.
Je commençais en citant Hubert Reeves pour qui j’ai beaucoup d’admiration, je finirai en vous invitant à découvrir une récente interview de lui, pleine d’intelligence et d’humanité justement…