Take charge! Cette formule anglaise, que l’on peut traduire par « Prenez la responsabilité », « Soyez en charge », « Prenez les choses en main », résume à elle seule le principe d’Ownership. Littéralement le « fait d’être propriétaire », cette notion largement diffusée dans la culture anglo-saxonne ne se limite pas à l’angle matériel de la propriété mais possède également une dimension psychologique (Psychological ownership), qui fait référence à l’appropriation. Elle est au cœur de la culture du leadership qui peut d’ailleurs difficilement se concevoir sans ownership.
Il est intéressant de noter que la plupart des gens aspirent à devenir propriétaires de leur logement. C’est une aspiration forte qui traverse les générations. Diverses études montrent en effet que les nouvelles générations aimeraient aussi être propriétaires mais sont souvent confrontées à la difficulté matérielle de le devenir et doivent s’adapter en conséquence. Être propriétaire (ou savoir qu’on pourrait l’être) est souvent associé à un sentiment de sécurité, de bien-être, d’indépendance, de confiance en l’avenir.
Partant de ce constat, peut-on considérer qu’il en va de même pour la « propriété psychologique » ?
On peut répondre à cette question en se rappelant d’abord que tout individu a, au plus profond de lui, une aspiration à la liberté, une liberté qui s’exprime à la fois sur les plans matériel et psychologique, les deux se nourrissant mutuellement.
Cultiver l’Ownership consiste à créer les conditions pour que chacun(e) s’approprie pleinement son travail, ses efforts, ses projets, ses résultats, et en finale son entreprise. Il existe une différence très significative entre se sentir et ne pas se sentir « propriétaire », il suffit de voir comment certaines personnes prennent soin de leur voiture de fonction par exemple… !
1/ L’Ownership est une culture
Nous prenons naturellement plus soin de ce qui nous appartient… Voyons ce qui se trame derrière cette idée.
Au même titre qu’un bien est souvent acquis au prix d’efforts soutenus dont l’auteur sait la valeur qu’il leur attribue, fournir un travail représente un investissement personnel qui se mesure. En temps, en énergie, en idées, en compétences, en concessions. Il a donc une valeur intrinsèque que l’auteur doit pouvoir s’approprier. Au-delà de la question de la rémunération, il en va de l’intérêt de l’intéressé comme de celui l’entreprise qui l’emploie. C’est une démarche gagnant-gagnant.
Il est essentiel en effet que chacun(e) puisse s’approprier son travail et les résultats qui en découlent pour pouvoir s’approprier son entreprise, s’en sentir « propriétaire ». Ainsi il pourra la vivre bien et la défendre au quotidien (tel un ambassadeur). Et même si cela est toujours appréciable voire souhaitable dans une certaine mesure, il n’est pas forcément nécessaire d’en être actionnaire pour que cette appropriation se vérifie. Cela dépasse largement la question financière.
On ne doit pas seulement appartenir à une entreprise, à une équipe, à un projet, eux-mêmes doivent aussi nous appartenir pour que l’on puisse s’y identifier. Et plus nous nous y identifions, plus nous faisons corps avec. Plus nous développons le sentiment de contrôler notre environnement, notre destin. Cela favorise la motivation, l’auto-détermination et l’esprit de responsabilité.
Dans un tel contexte naissent de nouvelles attitudes, une ambiance plus saine et plus sereine, une propension plus naturelle à l’engagement, à l’autonomie et à l’entraide. Oui, c’est une véritable culture d’entreprise qui doit être impulsée par la Direction. Cette culture doit être relayée par le Management et entretenue à tous les niveaux. Une culture de la confiance et du partage. Puis comme par enchantement, on s’aperçoit que plus on se sent « propriétaire », moins on a besoin de le revendiquer… Il est à noter que l’exemple vient parfois « d’en bas », et cela mérite d’autant plus d’être mis en valeur et respecté. Le Leadership n’a pas de titre, de position ou de statut, il vient d’abord du cœur et se traduit dans l’attitude…
2/ Prendre l’habitude d’assumer, pleinement, sans fuir ni tergiverser : un « retour sur soi » signe de force et de maturité
La culture de l’Ownership est aussi une affaire d’intégrité, de responsabilité et de leadership, donc de force intérieure.
Être « propriétaire » a un coût, celui de notre engagement personnel. Contrairement à la propriété matérielle, la « propriété psychologique » ne peut pas s’hériter, elle se gagne… Et qui dit engagement dit sortie de notre zone de confort, prise de risque, maîtrise de la peur, prise en compte aussi des nécessités liées à notre environnement.
Être « en charge », assumer nos erreurs, ne pas chercher d’excuses (elles n’ont jamais réglé le moindre problème !) ni de coupables, ne pas esquiver nos responsabilités nous rend plus fort, plus fiable, plus digne de confiance, plus respectable à nos yeux et aux yeux des autres, qu’il s’agisse de notre hiérarchie, de nos collègues, de nos équipes, de nos clients ou de quiconque. C’est une vraie marque de leadership et de maturité qui mériterait d’être systématiquement encouragée et valorisée car elle n’est pas si courante. Cela suppose parfois de savoir mettre son égo et sa fierté de côté.
C’est en effet le propre du leader d’assumer le poids de la responsabilité sans la faire porter aux autres. Cette exemplarité assumée envoie un message puissant qui est de nature à inciter chacun à en faire de même à son niveau. A l’inverse, la culpabilisation systématique et le refus d’assumer produisent exactement l’effet inverse et finissent par décrédibiliser son auteur tout en minant l’ambiance.
Lorsque chacun accepte d’assumer la responsabilité de ses actes, de ses erreurs ou de ses échecs, alors les problèmes commencent à se résoudre d’eux-mêmes et l’ambiance s’améliore considérablement. La défiance laisse la place à la confiance et c’est tout un univers qui change pour le meilleur.
Gardons en tête que les épreuves sont des professeurs, parfois brutaux et que c’est dans l’épreuve qu’on se révèle dans sa vérité.
3/ Cultiver l’Ownership favorise le dépassement de soi et donc la performance : comment créer les conditions ?
Une personne ne s’investit pleinement et durablement que lorsqu’elle y trouve intérêt. Comment s’assurer que son intérêt soit en phase avec celui de l’entreprise ? Cela ne va pas toujours de soi et nécessite un vrai travail de réflexion impliquant l’ensemble des parties afin de concilier les deux.
Une culture d’entreprise dans laquelle les personnes se sentent prises en compte leur permet de se libérer et d’être authentiques, c’est ainsi qu’elles sont encouragées à fournir leur meilleure contribution en termes de travail et d’idées. C’est du simple bon sens, et pourtant…
Si vous êtes manager, une suggestion est d’essayer de comprendre ce que la diversité signifie pour votre équipe, et d’y apporter des réponses.
Un exemple simple : si vous avez une mère célibataire dans votre équipe, en quoi ses besoins sont-ils différents de ceux d’une femme en couple ? Que pouvez-vous faire pour que son travail et sa vie personnelle s’harmonisent mieux ? Un dialogue ouvert et constructif permettra d’envisager des solutions acceptables de part et d’autre qui motiveront l’intéressée à s’investir pleinement pendant son temps de travail et à se sentir partie prenante dans l’entreprise. Cette démarche vertueuse contient en elle-même les clés de la réussite.
Chaque situation est spécifique. En prenant le temps de comprendre les besoins des uns et des autres, on contribue non seulement à améliorer la productivité, mais, au fil du temps, à permettre à chacun de sentir qu’il est au bon endroit, dans la bonne équipe, dans la bonne entreprise. De là peut naître le sentiment, la fierté d’appartenance.
Il est par ailleurs essentiel que les collaborateurs comprennent comment leurs objectifs se rattachent aux objectifs plus vastes de l’organisation.
Un fort sentiment d’appartenance et donc d’engagement est plus susceptible de se produire lorsque le travail effectué par chacun est clairement aligné sur ces objectifs globaux, permettant de mesurer l’impact qu’il a sur le succès de l’entreprise. Cela doit être parfaitement défini, or c’est malheureusement souvent peu clair. Il est en effet indispensable de prendre le temps nécessaire pour donner aux équipes les informations dont elles ont besoin.
Le micro-management, quant à lui, érode le sentiment d’appartenance. Au lieu de développer l’autonomie, il contribue à ce que les collaborateurs comptent avant tout sur leur manager et mine leur confiance en leur capacité de s’acquitter eux-mêmes de leurs tâches.
Managers, définissez des attentes claires quant aux résultats que vous attendez. Donnez à vos collaborateurs toute l’aide ou les conseils qu’ils demandent, mais n’ayez pas peur de les laisser échouer. Résistez à la tentation de régler le problème vous-même ou de dire à vos équipes comment elles doivent travailler. Elles peuvent bien sûr demander de l’aide lorsqu’elles se sentent bloquées.
Si vous voulez qu’une personne se sente « propriétaire », vous devez lui donner les moyens d’assumer cette responsabilité, lui donner la parole sur la stratégie, les projets et les processus qui ont une incidence sur son travail. Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un qu’il est responsable de tel résultat, puis prendre une décision sans elle qui affecte sa capacité à atteindre le résultat en question.
Pour conclure sur ce thème, je vous propose de découvrir l’impressionnante intervention TED (en anglais) de Jocko Willink intitulée « Extreme Ownership ». Ancien commandant médaillé dans les Navy Seals, il a depuis acquis une notoriété aux USA en capitalisant sur les enseignements tirés de son expérience militaire peu commune qui peut inspirer le monde de l’entreprise à différents égards (Voir à ce sujet le livre que j’ai co-écrit en 2011 avec Hervé Luthringer sous le titre « HAUTE TENSION – Regards croisés sur l’essence du Leader » et qui sera prochainement réédité dans une mouture adaptée sous le titre « LEADERS » – Lire l’article paru lors de la sortie dans la revue RH&M)