Comment associer Exigence et Bienveillance dans le management des équipes ?
Voilà un thème d’une grande actualité sur lequel de nombreuses entreprises s’interrogent. Un thème qui nous permet de réfléchir à la notion de management par l’équilibre.
Il n’y a rien d’évident dans le fait d’être à la fois très exigeant et très bienveillant dans son management. Car il s’agit, du moins en apparence, de deux dynamiques différentes (certains diraient opposées, mais à tort). De surcroît, tout le monde ne place pas les mêmes significations derrière ces termes. Pour ma part, je vois beaucoup d’exigence dans la bienveillance, et d’abord de l’exigence de caractère. Car il est souvent plus « facile » d’agir avec malveillance.
La vraie difficulté n’est pas de comprendre intellectuellement si cette association exigence – bienveillance est possible. Chacun peut théoriquement le comprendre. D’ailleurs, les meilleurs leaders en font une règle de conduite (l’exemple illustre de l’explorateur britannique Ernest Shackleton en est une parfaite illustration – voir son livre magnifique « L’odyssée de l’Endurance »). C’est bien plutôt dans la mise en pratique quotidienne d’une telle approche que la difficulté se niche. Car elle exige à la fois de la maturité, de l’empathie et une grande détermination.
Voyons ce qui se cache derrière ces deux termes.
L’EXIGENCE, ou comment tirer les équipes vers le haut
Qu’entend-on par exigence ? Le Larousse la définit de deux manières :
« – Ce qui est commandé par les circonstances, la nature, la satisfaction des besoins, les lois, la morale…
– Ce que quelqu’un réclame d’une autre personne, d’une institution. »
Certains vont considérer qu’à partir du moment où les résultats sont atteints, les moyens engagés ou la méthode employée importent peu… D’autres, au contraire, vont mettre en avant leur exigence dans la façon de faire. Même si celle-ci n’a peut-être pas généré les résultats escomptés… Éternel débat entre la finalité et les moyens…
Or, on ne devrait jamais avoir à opposer pragmatisme et déontologie. Ce sont deux notions qui sont parfaitement conciliables, au prix parfois d’un peu plus d’audace et de créativité pour éviter les raccourcis glissants (sur le plan moral notamment). Autrement dit, on peut tout à fait obtenir les meilleurs résultats de manière déontologique, à condition de s’en donner la peine et, le cas échéant, de faire des choix.
Je crois volontiers à la maxime qui dit que « certains s’enrichissent en s’intéressant aux détails que les autres ne voient pas ». En effet, ce sont souvent les « petits détails » qui font la différence.
Le souci du détail me paraît être une voie d’excellence qui nous oblige à aller plus loin. A pousser la réflexion. A penser également aux conséquences des choix que l’on fait.
Appliqué à la relation client, cela paraît souvent évident. Prenons le cas de l’hôtellerie.
Qu’est-ce qui, à prix égal, fait la différence entre deux hôtels de même catégorie ?
Quelques éléments clairement distinctifs, bien sûr, tels que l’emplacement, mais également un ensemble de détails qui, ajoutés les uns aux autres, finissent par constituer une valeur ajoutée supplémentaire qui fait assurément la différence.
Pour n’en citer que trois (il y en a beaucoup plus !) :
- Le sourire du personnel, en commençant par l’accueil physique mais aussi téléphonique. Il permet au client de se sentir d’emblée considéré, en terrain sympathique ; la plupart des gens y restent heureusement sensibles, même s’ils ne le montrent pas toujours ;
- La propreté à tous les niveaux, de l’entrée principale aux chambres en passant par le restaurant, le bar, les espaces communs…
- L’aménagement visuel et matériel. Là encore fait de nombreux « détails » qui soulignent une recherche d’harmonie résultant d’une réflexion globale qui ne laisse rien au hasard.
Lorsque la clientèle manifeste son insatisfaction au sein d’un hôtel, la sanction est immédiate, parfois explosive. Cela exige une vigilance de tous les instants et c’est l’affaire de tous. Il y a des hôtels où l’on a envie de revenir et d’autres pas, chacun en conviendra.
Le manager est donc en droit, je dirais même en devoir, d’attendre de ses équipes qu’elles satisfassent chacune de ces exigences de qualité. Il en va de l’avenir de l’organisation et cela tire tout le monde vers le haut. Les équipes elles-mêmes devraient demander à leur manager d’être exigeant avec elles ! La haute performance est au prix d’une grande exigence à tous les niveaux, surtout dans la durée, qu’on le veuille ou non. Toutes les marques d’excellence l’ont parfaitement intégré.
Manager : une « exigence » de bienveillance à faire partager
La nécessité de l’exigence une fois actée, c’est dans la manière de la faire vivre au sein de l’équipe que tout va se jouer. Les collaborateurs ne sont pas dupes, ils voient généralement très vite qui est bienveillant et qui ne l’est pas au sein du management.
L’expression « On rejoint une entreprise, on quitte un chef » résume à elle seule ce qui malheureusement se produit lorsque la relation psychologique entre manager et collaborateur est détériorée.
La bienveillance ne doit bien entendu pas être le seul fait du manager, mais c’est à lui qu’il incombe de montrer l’exemple et de créer les conditions d’un dialogue respectueux. Il incite de la sorte le collaborateur à en faire de même. Il devient source d’inspiration.
La bienveillance nécessite de savoir écouter. Authentiquement. Ecouter pour entendre, apprendre et comprendre, on ne le dira jamais assez. Elle nécessite aussi de considérer chaque collaborateur tel qu’il est, à un moment donné, avant de le projeter tel qu’on souhaite qu’il devienne. C’est en reconnaissant d’abord qui il est, sans jugement, qu’on peut l’aider à progresser. Qu’on peut lui donner l’envie de s’améliorer là où c’est nécessaire pour l’organisation. Si quelqu’un ne souhaite malgré tout pas progresser, il faut savoir pourquoi et en tirer mutuellement les conclusions. Cela se fera d’autant plus aisément que la démarche sera accompagnée de bienveillance.
On peut tout dire si on le fait avec bienveillance, justement parce qu’il y a considération, respect et absence de jugement de personne. C’est ce que beaucoup de managers n’osent pas faire, généralement par peur ou par manque de savoir-faire. Manager sans bienveillance, voire par la peur, est la plus sûre façon de montrer à tous qu’on a peur soi-même, ce qui n’est sans doute pas le but recherché !
Être bienveillant suppose aussi de dire des choses qui peuvent ne pas plaire mais qui sont nécessaires à entendre. De faire des choix. De prendre des décisions donc de savoir trancher et fixer des limites. Il incombe cette fois au collaborateur de le comprendre et de faire avec. De mettre son ego et ses desiderata de côté, dans le respect du collectif. L’équilibre suppose de saisir qu’on a des droits mais aussi des devoirs et le manager est là pour le rappeler. Si chacun met du sien, fait preuve d’intelligence et de sens des responsabilités, cela se passe naturellement. Certains sujets plus sensibles ou plus « personnels » (les congés par exemple !) créent parfois des tensions mais cela fait aussi partie de la vie de l’entreprise et il faut être capable de prendre de la distance par rapport à ses émotions. Un manager bienveillant, qui prend le temps d’expliquer, sera écouté avec plus de bienveillance lorsqu’il est amené à prendre des décisions impopulaires.
Comprendre que la bienveillance est à la fois saine et performante, comprendre aussi qu’elle passe par les attitudes, par les mots et par les actes, qu’elle apaise autant celui qui la pratique que celui qui en bénéficie devrait en soi être une motivation suffisante pour s’y atteler.
En réalité, la question de la bienveillance nous ramène à nous-même et à notre histoire. Elle suppose d’apprendre à être bienveillant d’abord avec soi-même. En changeant de l’intérieur, on change vis-à-vis de l’extérieur…
En synthèse, savoir associer Exigence et Bienveillance est une véritable marque de grandeur dans le management. Une manière élégante d’inspirer et d’inciter chacun à en faire de même, de grandir tous ensemble. Et au fond, c’est peut-être par la voie de l’humilité qu’on peut le mieux réussir à réconcilier ces deux facettes de la forme la plus évoluée et la plus moderne de management.
Et vous, quelle est votre expérience de l’exigence (ou du manque d’exigence), de la bienveillance (ou du manque de bienveillance) et de l’association des deux au sein de votre entreprise ? En tant que manager, collaborateur ?
Pour conclure, la vidéo ci-dessous, extraite du film INVICTUS avec Morgan Freeman (dans le rôle de Nelson Mandela) et Matt Damon, incarne parfaitement cette nécessité d’incarner l’exigence et la bienveillance dans l’exercice du leadership :
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