A l’heure où l’on parle de plus en plus de coopération, quel regard faut-il porter sur la compétition ? Est-elle positive ou négative ? Vecteur de progrès ou dangereuse ? Moderne ou dépassée ?
La vérité est qu’il y a compétition et compétition. Elle peut être aussi vertueuse que destructrice selon nos intentions et nos comportements.
Voici quelques idées sur le sujet, inspirées notamment par ma pratique du judo dès mon plus jeune âge. Des principes qui trouvent leur application dans tous les domaines de l’existence où la compétition, la concurrence, la confrontation s’exercent : sport, affaires, politique, justice, relations sociales pour n’en citer que quelques-uns.
DES VERTUS DE LA COMPETITION
La compétition peut se révéler un formidable moteur pour optimiser notre potentiel. Elle booste notre énergie en la mobilisant. Elle nous oblige, aussi, à affûter nos qualités physiques, mentales, émotionnelles, professionnelles, techniques. Des qualités de puissance, de courage, d’intelligence, de maîtrise de soi. Ou encore de cohésion (lorsque des équipes s’opposent), de concentration, d’adaptation, de résilience.
La nature est lieu de compétition permanente pour les êtres vivants. Chacun lutte pour sa propre survie en tant qu’individu et en tant qu’espèce, plus ou moins aidé par la place qu’il tient dans la chaîne alimentaire… Le combat pour la survie prend de multiples formes et il fait partie inhérente de l’existence. Le nier, dans une forme d’angélisme, nous met à la merci de ceux qui savent en tirer profit. Ne leur faisons pas ce plaisir !
Dans le monde vivant, l’être humain a toutefois ceci de particulier qu’il peut dépasser ses instincts. Choisir avec discernement entre les différentes options qui s’offrent à lui. Et surtout, adopter une ligne de conduite réfléchie, élégante et DIGNE. Une certaine conception du « Guerrier pacifique », en référence au célèbre ouvrage de Dan Millman.
EN L’ABSENCE DE CADRE ET DE REGLES, LA COMPETITION DEVIENT VITE « MEURTRIERE »
Au premier rang de ces règles se trouve : le RESPECT. Le respect tel qu’on l’enseigne (ou devrait l’enseigner) dans les dojos. Le respect comme un garde-fous et comme l’expression d’une maturité. Car l’homme est ainsi fait que s’il fait fi de cette notion essentielle qu’est le respect, alors son désir de gagner par tous les moyens prend immédiatement le dessus. Les résultats sont généralement peu glorieux, voire désastreux. Et gagner à court terme ne préjuge en rien que cela sera le cas à long terme. Les retours de manivelle sont parfois violents, il vaut mieux l’avoir à l’esprit… Equilibre oblige !
Dans la pratique sportive, j’ai pu le constater, étant jeune, sur un tatami lors d’une compétition. Un judoka a successivement cassé la clavicule à deux de ses adversaires. La première, cela passe pour un accident. La deuxième, c’est à coup sûr un geste délibéré et malveillant. Comme il se devait, l’intéressé s’est vu exclure de la compétition séance tenante. Rupture du « Code d’honneur »…
Du sport à la politique ou aux affaires, il n’y a qu’un pas.
UNE APPROCHE ETHIQUE ET POSITIVE DE LA COMPETITION
Beaucoup de personnes ne sont pas à l’aise avec l’idée même de compétition, et ce parfois dès leur plus jeune âge. Par rejet, ou tout simplement par manque d’intérêt. D’autres, au contraire, ne voient la vie qu’en termes de compétition, c’est leur moteur. C’est propre à la nature de chacun et c’est comme cela, sans qu’il y ait besoin de le discuter.
Ce qui se discute en revanche, c’est la manière d’aborder la compétition (ou la concurrence, la confrontation…).
Et en l’espèce, c’est la question du FAIR-PLAY qui se pose et qui, malheureusement, fait souvent défaut.
La plupart d’entre nous ont en tête la caricature (parfois très réelle, malheureusement) dépeinte dans le film « Karaté Kid » avec des compétiteurs prêts à n’importe quoi pour gagner. Pire, ils le font sur injonction de leur instructeur ! Une des versions les plus stupides de l’être humain sans doute…
La compétition est positive à condition qu’elle nous pousse à notre propre dépassement. Dans le strict respect du cadre et des valeurs qui assurent la sécurité de chacun. Elle est d’abord un rendez-vous avec soi-même. Soi-même face à ses pulsions et à son ego qui est le seul ennemi réel. L’ego, qui, comme l’écrit si bien Eckhart Tollé, « a besoin de problèmes, de conflits et d’ennemis pour renforcer le sentiment de division dont dépend son identité. »
La personne ou l’équipe adverse n’est pas notre ennemie. Elle est notre rivale, ce qui est différent. Un rival, lui, nous pousse à mobiliser toutes nos ressources pour donner tout ce que l’on a, à élever constamment nos compétences, à repousser les limites. A « magnifier nos propres potentiels » pour paraphraser joliment Claude ONESTA, entraîneur et manager de l’équipe (masculine) de France de handball que j’ai eu un jour le plaisir d’accueillir lors d’une session Aïkido Management. S’affronter sainement est alors une démarche vertueuse qui tient de l’émulation. Et un jeu !
A cet égard, la dualité historique qui a opposé dans les années 80 les judokas japonais Yamashita (la référence et l’aîné dans la catégorie poids lourds) et Saito (son challenger) en est une parfaite illustration. Pour pouvoir l’un garder son titre, l’autre décrocher le titre de champion du monde et de champion olympique, tous deux ont dû donner le meilleur d’eux-mêmes au fil des ans. Un mélange de défiance, de féroce détermination à gagner. Mais aussi, d’immense respect mutuel qui n’a fait que s’amplifier avec le temps. Les exemples du même type sont nombreux.
L’AUTRE, en compétition, nous aide à trouver la meilleure version de nous-même si nous savons placer l’éthique au cœur de notre pratique. C’est la condition absolue à un bon exercice de la compétition.
Toute autre approche compétitive nous mène peu à peu à notre annihilation en tant qu’individus. Ce n’est certainement pas performant au bout du compte et encore moins noble. A nous d’en prendre conscience le plus tôt possible et de choisir notre posture.
DU JUDO A L’AIKIDO…
L’Aïkido, la « voie de l’harmonisation des énergies », se démarque notamment du judo par une approche différente de la compétition. Cette dernière est, d’une certaine manière, « neutralisée ». Et ce en sortant de la dualité pour rompre définitivement la traditionnelle spirale gagnant-perdant qui caractérise toute compétition…
Une voie ambitieuse, inspirante qui trouve d’autant plus sens qu’on a fait le tour de la compétition, de ses bénéfices et de ses limites. Une fois aussi qu’on a compris que tous les efforts à fournir le sont, toujours, vis-à-vis de soi-même.
Voir ou revoir l’article Leadership, management et arts martiaux